Tisserands et bergers

M Jean Delahaye, fondateur de l’association « Vie et tradition de Normandie » a su garder la mémoire des traditions de la vie rurale en Pays de Caux.
Grâce à ses enregistrements précieusement conservés dans les familles, nous avons eu la chance d’écouter la suite de l’enregistrement de deux anciens agriculteurs de Blosseville, M. Henri Blosseville (1908-1990) et M. René Anthore (1907- 2007) au cours duquel ils évoquent le souvenir de leurs jeunes années.

Les tisserands

Les tisserands, nombreux dans le Pays de Caux exerçaient à domicile. Toute la famille était associée. Le tisserand tissait tandis que femme et enfants étaient occupés à filer le lin. Le métier à tisser était monté dans une pièce appelée l’ouvreux (cf.,illustration c-dessous), éclairée par des verrines, de petites vitres encastrées entre les colombes et scellées avec du torchis. Certaines maisons étaient reconnaissables aux fenêtres fixes dans les combles qui servaient à éclairer lachambre à tisser. Seul l’un des deux protagonistes avait vu un métier à tisser en marche à Angiens alors qu’il avait dix ans ce qui laisse supposer que l’activité avait quasiment cessé après les années 1920. En revanche, chacun avait bien présent à l’esprit les récits paternels évoquant le bruit du métier « tazi tazac, la fille à maît Jac » « tip et tap». Pour l’un, les produits du tissage (les tringles) étaient portés à Pitié (près de Luneray, cf plan ci-dessous), pour l’autre, un homme d’Angiens faisait la tournée des maisons à cheval pour se rendre ensuite à Rouen.

un « ouvreux »
Localisation de Pitié et Blosseville

Les bergers

Les souvenirs étaient plus directs avec l’évocation d’une fête « on faisait une fournée de galettes » au mois de mai pour la tonte des moutons, les tondeurs étant nommés les touseux.
On comprend qu’il y avait deux troupeaux principaux à Blosseville (de l’ordre de 200 mères chacun) à la fin des années 30. Le berger est décrit comme irremplaçable par son savoir et sa complicité avec son chien qui n’obéissait qu’à son maître et bien moins à l’aide-berger, le gari. Il arrivait « au gosse d’alors » d’avoir peur quand il devait porter la soupe au berger dans sa cabane roulante (la caverne, voir illustration) au milieu de la plaine. La bergère était le nom du récipient à étages qui servait à transporter la soupe en dessous et le frichti au dessus. Les racontars et les légendes attribuaient aux bergers des pratiques de « sorcellerie » et manifestement le lieu supposé de leurs rencontres nocturnes « le bois Balthazar » et sa fosse ajoutait au mystère. Ce petit bois, à la limite sud de la commune, pousse sur un terrain calcaire dans lequel semble s’être creusée une bétoire (doline) « la fosse Balthazarre » dont on trouve mention dans des actes à la fin du XVIII ème siècle (1781-1796).

Une « caverne » de berger
Une « bergère »

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