Cet article présente les sépultures des soldats britanniques du cimetière de Blosseville, après avoir retracé à grands traits l’histoire des combats dans lesquels ils ont péri. Un autre article est consacré à la mémoire des soldats français.
Douze soldats, au total, ont perdu la vie sur le territoire de la commune de Blosseville sur Mer les 10 et 11 juin 1940.

Ces douze hommes, pour la plupart très jeunes, ont fait preuve du même courage et ont connu le même destin tragique dans une bataille commune. Ils sont donc unis dans nos mémoires et nos commémorations les honorent tous ensemble.
La distinction qui est faite sur ce site entre les quatre soldats français et les huit britanniques tombés au combat dans notre commune est uniquement liée à l’histoire de leurs sépultures.
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Après leur décès, tous ont été enterrés dans le cimetière de Blosseville. En 1948, les dépouilles des soldats français sont retournées dans leurs communes d’origine. Toute trace visible de leur « passage » dans le cimetière avait donc disparu jusqu’à la pose en juin 2023, sur le monument aux morts d’une plaque commémorative, citant leurs noms1La pose de cette plaque a été faite par la municipalité de Blosseville. Cette initiative, menée également dans d’autres communes, fait suite à l’action résolue et persévérante de Mr Hervé Savary pour le souvenir des combats sur le sol normand.. En revanche, les corps des huit soldats britanniques sont restés dans le cimetière, sous huit stèles érigées en leur mémoire.
Remerciements
La description des évènements de juin 1940 à Blosseville s’appuie principalement sur celle qu’a faite Mr Hervé Savary, infatigable « passeur de mémoire », qui a rassemblé une documentation très précise sur cette période. Son travail est ici volontairement résumé. Nous le remercions chaleureusement.
L’article prolonge également celui publié dans le journal municipal, il y a plusieurs années, par l’une de nos membres2 Catherine Tardif » Qui se souvient des soldats de juin 1940? » – l’Echo du Vent – juillet 2013 pp. 5-6. Nous remercions la mairie de Blosseville, qui avait ouvert ses archives.
Rappel succinct sur la bataille de Saint-Valery-en-Caux
Après la « drôle de guerre » débutée à l’automne 1939, l’armée allemande a lancé le 10 mai 1940 une offensive éclair, envahissant les Pays-bas, la Belgique et le Luxembourg et pénétrant en France. Les armées alliées, celle du « Corps Expéditionnaire Britannique »3Le Corps Expéditionnaire Britannique (« British Expeditionary Force ») est le nom donné à l’ensemble des forces armées britanniques envoyées à partir de l’automne 1939 à la frontière franco-belge. En mai 1940, elle était composée de 10 divisions d’infanterie (soit plus de 390 000 hommes), une brigade blindée et 500 avions, (source National Army Museum )., et l’armée française battent en retraite. Une évacuation de troupes alliées vers l’Angleterre débute à Dunkerque (Nord) le 26 Mai : pour permettre au maximum d’hommes d’embarquer depuis la ville encerclée, certaines unités alliées se battent héroïquement face à l’ennemi (« Opération Dynamo »). Elles compteront de nombreux morts et prisonniers, mais de nombreux soldats britanniques et français auront pu prendre la mer vers l’Angleterre.4Près de 340000 hommes ont pu être évacués à Dunkerque entre le 26 mai et le 4 juin : environ 200000 britanniques, 120000 français et près de 20000 belges (source https://fr.wikipedia.org/wiki/Évacuation_de_Dunkerque). 20000 soldats alliés furent tués et 40000 faits prisonniers.
C’est le même scénario qui a eu lieu à Saint-Valery-en-Caux5Cf. Ouvrage de R.G. Nobécourt – Les soldats de 40 dans la première bataille de Normandie – Editions Bertout 1986 Voir Chapitre IV, p. 185 quelques jours plus tard. En effet, de nombreuses unités allemandes dont la 7e Panzerdivision sous le commandement du Maréchal Rommel, ont poursuivi leur progression vers le sud jusqu’à la Seine, puis vers l’ouest, encerclant ainsi une grande partie du Pays de Caux et des troupes alliées qui s’y trouvaient. Ce sont essentiellement des unités composant le 9ecorps d’armée du Général Ihler et une division britannique, la 51st Highland Division commandée par le Général Fortune.
La décision est prise d’évacuer les troupes alliées par les ports de Saint-Valery-en-Caux et Veules-les-Roses (« Opération Cycle » initialement prévue au Havre). Une organisation défensive est alors mise en place pour résister à l’armée allemande, en positionnant des troupes dans différentes communes formant un arc de cercle autour des deux ports. Blosseville est l’une de ces communes, à l’est de la zone. Malheureusement le mauvais temps et la pression allemande rendent cette opération très difficile et la proportion de troupes évacuées est beaucoup plus faible qu’à Dunkerque. Après s’être rendues au Maréchal Rommel, les troupes alliées comptent de très nombreux morts et prisonniers62137 Britanniques et 1184 soldats français ont pu être évacués. Près de 1000 soldats ont été tués, 46000 ont été faits prisonniers (38000 français, 8000 britanniques). dont plusieurs officiers supérieurs, notamment les généraux Fortune et Ihler. La ville de Saint-Valery est détruite pour une grande part.
Les unités britanniques engagées dans la bataille de Saint-Valery

La 51st Highland7La 51st Highland Division tire son nom des Highlands, région située au nord-ouest de l’Ecosse. La ville principale est Inverness. Division
La principale unité britannique engagée dans la bataille fut la 51st Highland Infantry Division.
Cette division écossaise avait été créée par des volontaires de la région des Highlands (Ecosse), pour la première guerre mondiale, durant laquelle elle s’était illustrée.
Commandée par le Major General Victor Fortune depuis 1937, elle comptait alors plus de 10000 hommes répartis en 3 brigades de 3 bataillons chacune :
- 152e Brigade d’Infanterie (dont les bataillons Seaforth8Seaforth est une île du Royaume-Uni située en Écosse dans les Hébrides extérieures. Highlanders et Cameron9Cameron est le nom d’un clan écossais des Highlands. Selon Wikipedia, un clan est un ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive, fondée sur l’idée de descendance d’un ancêtre commun. Highlanders)
- 153e Brigade d’Infanterie (dont un bataillon Black Watch10Le régiment Black Watch (« Garde noire ») est le plus ancien des régiments des Highlands. Il tirerait son nom de « Garde » de son rôle de maintien de l’ordre en Ecosse à sa création au XVIIIe siècle, et celui de « noire » de la couleur sombre de son tartan. et deux bataillons Gordon11Gordon est le nom d’un clan écossais. Highlanders)
- 154e Brigade d’Infanterie (dont un bataillon Black Watch -1st – et deux bataillons Argyll & Sutherland Highlanders)
Ces brigades étaient complétées par des régiments d’artillerie du génie, et des éléments logistiques.
Après avoir débarqué au Havre en janvier 1940, la 51st Highland Division avait tenu des positions sur la ligne Maginot en Lorraine. Puis elle avait été engagée en appui des troupes françaises après l’évacuation de Dunkerque et la bataille d’Abbeville. En juin 1940, la 51st Highland Division intégra un bataillon du Duke of Wellington’s Regiment (Voir ci-dessous).
Le Duke of Wellington’s Regiment (West Riding)

Ce régiment anglais a eu différents noms au cours de sa longue histoire, sa création remontant au tout début du XVIIIe siècle. Mais c’est en 1782 qu’il fut associé au Comté du Yorkshire (centre de l’Angleterre) et plus précisément à sa partie Ouest (« West Riding12Historiquement la région du Yorkshire a été divisée en 3 « ridings » ,Nord, Est et Ouest. Le terme « riding » viendrait d’un ancien mot viking signifiant « tiers ». », qui figure toujours dans son nom).
En 1853, la reine Victoria ordonna que le régiment prit le nom du Duc de Wellington13Arthur Wellesley (1769-1852), duc de Wellington, militaire et homme d’état britannique ; il fut le vainqueur de Waterloo., qui venait de mourir et avait servi dans cette unité.
Au début de la seconde guerre mondiale, le Duke of Wellington’s Regiment (West Riding) comportait plusieurs bataillons, engagés sur différents théâtres d’opérations : défense du sol anglais, Islande, Bataille de France dont Dunkerque.
Afin de renforcer le régiment pour la guerre, deux de ses bataillons, les 6e et 7e avaient été doublonnés ; les nouvelles unités de réserve créées prenant le nom de bataillons 2/6e et 2/7e. Ces deux bataillons furent intégrés à la 137e brigade de la 46e division d’infanterie (16000 hommes environ). La 46e division débarqua en France en avril 1940, fut envoyée vers l’ouest pour divers travaux avant d’être appelée au nord sur le front. Dans ce mouvement vers le nord, perturbé par l’offensive allemande, le bataillon 2/7e fut coupé du reste de la division et resta dans la région de Dieppe. Le bataillon 2/7e (800 hommes environ) fut alors intégré opérationnellement à la 51st Highland Division.
Les combats à Blosseville
Comme il a été indiqué plus haut, le commandement allié avait décidé la mise en place d’une organisation défensive autour de Saint-Valery, susceptible de contenir les attaques allemandes et ainsi de couvrir l’embarquement d’un maximum d’hommes vers l’Angleterre. Un arc de cercle d’un rayon de 10 à 15 km est donc délimité, depuis l’est immédiat de Veules-les-Roses à l’ouest proche de Saint-Valery. De part en part, des troupes doivent être positionnées sur cet arc, aux abords des villages ou hameaux distants de quelques kilomètres ; d’est en ouest : Blosseville, Silleron, Angiens, Houdetot, Ermenouville, Sainte-Colombe, Crasville-la-Mallet, Ocqueville, Saint-Riquier-ès-Plains, Saint-Sylvain.
Ces positions de défense sont confiées à différentes unités françaises ou britanniques. C’est au bataillon 2/7e du Duke of Wellington’s Regiment qu’échoit de tenir la position de Blosseville.

Dispositif de défense autour de Saint-Valery-en-Caux et Veules-les-Roses. Secteurs attribués aux unités françaises (contour violet) et britanniques (contour bleu). On voit sur cette carte que le territoire de Blosseville avait été affecté pour l’essentiel au 2/7th Duke of Wellington’s Regiment et pour sa limite est au 4e Seaforth de la 51st Highland Division.
Le 11 juin aux premières heures de la matinée, le bataillon arrive sur place, transporté par camions après avoir combattu la veille dans les alentours de Dieppe. Il couvre la zone au nord de Blosseville depuis la route de Dieppe (D925) jusqu’à la route de la Chapelle sur Dun (D69).
Il est en liaison avec les unités tenant les autres secteurs :
- à l’ouest, le 12e Régiment de chasseurs à cheval (appartenant à la 5e Division Légère de Cavalerie)
- à l’est vers La Chapelle-sur-Dun, dans la plaine d’Iclon, le 4e Seaforth, bataillon de la 51st Highland Division
- au sud-ouest le 5th Gordon Highlanders, également bataillon de la 51st Highland Division
Plus au sud, un autre bataillon de la 51st Highland Division, le 1st Black Watch tient les positions de Silleron et Houdetot. Des soldats français des 31e et 40e Divisions d’Infanterie sont également placés en des lieux proches de Blosseville : à ces divisions sont rattachées les unités d’infanterie alpine auxquelles appartenaient les soldats français tués à Blosseville.
Le 11 juin en fin de matinée, l’organisation de défense est donc en place.
Mais très vite, les troupes allemandes sont là et encerclent le réduit : les chars des Panzerdivision, la 5e à l’est, la 7e à l’ouest ainsi que la 2e division d’infanterie motorisée au sud. Il n’y a donc pas le temps d’installer de véritables ouvrages de défense.
Dès l’après-midi, appuyée par plusieurs bombardements en piqué de son aviation, l’armée allemande passe à l’attaque, notamment à Blosseville ainsi que le relate Hervé Savary15Article dans Courrier Cauchois 30 Mars 2023. : « Vers 16h30 de nombreux chars débouchent d’une coulée de bois au S.O. de La Chapelle-sur-Dun. Les uns attaquent les Britanniques devant Blosseville, les autres franchissent la route de Dieppe et se déploient en arrosant le terrain de balles incendiaires qui mettent le feu à des meules de paille ».
Malgré la vaillance des troupes alliées qui ont encore espoir de pouvoir être évacuées par bateau, la situation devient intenable.
Aussi, dans la nuit du 11 au 12 juin, les unités autour de Blosseville reçoivent des ordres pour quitter leurs positions. Le 4e bataillon Seaforth rejoint la gare de Saint-Valery-en-Caux. Les rescapés du 2/7th Duke of Wellington’s Regiment doivent se rendre sur la plage de Veules-les-Roses en vue d’un embarquement. Ils y réussissent pour la plupart et gagneront l’Angleterre à bord du ferry réquisitionné « Duke of York », pour poursuivre la guerre. Le bataillon aura laissé cependant plus de 80 morts dans les combats et près d’une centaine de ses hommes auront été faits prisonniers.
Les sépultures des soldats britanniques morts à Blosseville
Huit soldats britanniques, décédés sur le territoire de Blosseville, reposent dans le cimetière du village. Aujourd’hui, leurs lieux d’inhumation sont marqués de stèles de pierre blanche posées sur un lit de graviers.

Ces sépultures n’ont pris leur aspect actuel que plusieurs années après les inhumations et après différentes étapes.

Dès août 1940, une circulaire préfectorale enjoint les communes de recenser les tombes des militaires de toutes nationalités sur leur territoire.
Cette circulaire est rappelée au maire de Blosseville par un courrier de l’administration départementale daté de novembre 1940. Il lui est demandé de faire ce recensement des tombes et de transmettre les fiches individuelles des soldats britanniques inhumés dans la commune, y compris les inconnus (voir ci-contre).
C’est donc probablement dès cette période qu’a été établi par la commune de Blosseville un plan des sépultures de soldats.
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Comme indiqué par la flèche bleue, l’Est est en bas.
On y voit les deux tombes de David Buick et Marius Cheminal.
Le plan ci-contre répond en effet à la demande de l’administration. Il donne les emplacements des tombes ainsi que quelques renseignements parcellaires sur les soldats britanniques.
Ce plan nous montre que les sépultures étaient réparties en deux groupes, l’un de 10, l’autre de 2 ; ce dernier correspond aux soldats décédés « au manoir16Le « Manoir » est situé en face du cimetière. Durant la bataille de 1940, des soldats blessés à Blosseville ou ailleurs y furent amenés pour être soignés. » puis inhumés ensuite dans le cimetière, David Buick et Marius Cheminal. Après le rapatriement du corps de ce dernier en Savoie en 1948, la sépulture du soldat Buick est donc restée isolée.
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Quant à l’aspect des tombes à l’époque, une photo prise en septembre 1947 nous renseigne : elle montre une rangée de croix en bois, blanches ou de couleur claire. Il s’agit du groupe de 10 noté sur le plan ; les soldats français étaient enterrés aux côtés des britanniques avant que leurs corps soient transférés dans leurs communes d’origine en 1948.

(lettre manuscrite en date du 23/09/1947 transmise par la famille que nous remercions)
Ces tombes militaires ont été régulièrement honorées, car en avril 1944, avant la libération, le conseil municipal vote un supplément au budget de « 1000 francs pour l’achat de fleurs destinées aux tombes militaires ». En séance du 19 juin 1946, le conseil décide de faire repeindre les croix avant la visite d’une délégation écossaise (voir plus bas).
Un organisme spécialisé de l’Armée britannique en charge du regroupement des tombes va s’implanter et pour le pays de Caux s’installer à Limésy.
Cette Commission Impériale des Sépultures Militaires Britanniques va remplacer les premières croix en bois par des croix en fer peintes en gris. Le matricule était tracé en noir sur le montant vertical supérieur tandis que l’initiale du prénom, le nom et le régiment étaient en majuscules sur la barre horizontale17Référence H. Savary 3/07/2023..
Ces croix en fer laisseront la place aux stèles de pierre actuelles en 1951. Deux documents en témoignent :
- un courrier de juillet 1950 de la Commission au maire de Blosseville (voir ci-dessous à gauche) annonçant la future érection de stèles avec un entourage de béton.
- Une délibération du Conseil Municipal de Blosseville datée de décembre 1951 (voir ci-dessous à droite) ; la commune cède à l’Etat, sans limitation de durée, une parcelle de terrain de 11m2 pour installer les tombes militaires britanniques.

approuvant la cession de 11m2 de terrain du cimetière
pour édifier les tombes militaires britanniques.

en béton.
Depuis, comme toutes les tombes militaires sur le territoire français, elles sont régulièrement entretenues par la « Commonwealth War Graves Commission » (nom pris par la « Imperial War Graves Commission » depuis 1960).


non identifié
Quatre de ces tombes britanniques ne comportent pas de nom (voir photo à gauche). En 1951, ces soldats n’avaient pas été identifiés, leurs stèles les mentionnent « Known unto God », connus de Dieu.
Mais depuis l’identité d’un soldat a pu être établie, Reynolds (voir plus bas), sans que l’on sache sous quelle stèle il repose.
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Il y a donc :
– trois soldats non identifiés
- – cinq soldats identifiés : Buick, Reynolds, Shaw, Gawthorpe, Tebb
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Trois soldats non identifiés

Si l’on se fie au document ci-dessus, ces soldats avaient été retrouvés morts dans la ferme Lange (ferme dans l’actuelle rue des Bertagnes). Selon les souvenirs de Mr P. Gauthier (1932-2023), alors enfant, deux étaient dans la cuisine et un dans la cave. Ils ont très probablement été d’abord inhumés ailleurs qu’au cimetière.

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Cinq soldats identifiés :
Deux appartenaient à la 51st Highland Division et sont décédés à Blosseville des suites de leurs blessures reçues probablement un peu à l’écart du village, là où étaient leurs unités.
David Buick, du 1st Black Watch est mort au Manoir où avait été installée une « ambulance de campagne ». Sa stèle nous apprend qu’il était un « private » (soldat de 2e classe) et avait 21 ans. Il a été tué dès le 10 juin. Sur la pierre est gravé l’insigne de son régiment, qui représente Saint André, patron de l’Ecosse, derrière sa croix18De manière tout à fait fortuite, le cimetière de Blosseville recèle donc deux représentations de Saint André situées à moins de 10 mètres mais à plus de 300 ans l’une de l’autre : celle de la tombe du soldat Buick (1951) et celle de la croix Dyel (1626), érigée par André Dyel. Elles sont toutes deux orientées vers l’ouest.. La devise du régiment est « Nemo me impune lacessit » (Personne ne m’attaque impunément). Dès juin 1942, le comité international de la Croix Rouge de Genève avait écrit au maire pour demander des informations au sujet de David Buick.

au Maire de Blosseville datée de juin 1942

Blason Black Watch : Croix de Saint André

La devise Bydand vient de l’écossais
» Byde and Fecht » et signifie » Tiens et Combats »
James Reynolds, du bataillon 5e Gordon Highlanders (51st Highland Division), n’a pas de stèle à son nom. Il a été identifié très tardivement grâce à un relevé des victimes (« casualty note ») – voir ci-dessous -; ce document indique que le soldat Reynolds avait dans un premier temps été enterré derrière la mairie. Il fait donc probablement partie des 4 stèles de soldats inconnus, peut-être la cinquième en partant de l’église. Il était un « private » originaire d’Aberdeen, âgé de 22 ans.

« Father 21 Short Loanings Aberdeen Reputed dead Blosseville & buried behind mairie »
soit l’adresse de son père à Aberdeen et la mention « Présumé mort Blosseville et enterré derrière mairie »
Trois soldats appartenaient au 2/7th Duke of Wellington (West Riding) Regiment
Sur leurs stèles, figurent le blason et la devise du régiment, hérités des armes du Duc de Wellington. Le blason représente un lion tenant un étendard au dessus d’une couronne ducale. La devise « Virtutis fortuna comes » se traduit littéralement par « Fortune compagne de la vertu » avec le sens de « la fortune sourit à l’audacieux ». La mention « West Riding » n’est pas reprise sur les stèles. Ces trois militaires sont :
Terence Ambler Shaw, « serjeant »19Un « serjeant » (sergent) était un sous-officier à la tête d’une trentaine de soldats., 26 ans, « plus jeune fils des regrettés Arthur et Lucy Shaw, Huddersfield, Yorkshire, Angleterre ».
Herbert Edward Gawthorpe, serjeant, 20 ans. Au bas de la stèle, l’inscription est tirée de l’Evangile de Saint Jean (15-13) ; sa traduction est « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».
Robert Wallace Tebb, » private « , 19 ans. Au bas de la stèle est écrit: » He gave his today for your tomorrow »« Il a donné son aujourd’hui pour votre demain ». Il était le fils de Wallace et Hilda Tebb de Charlton, Londres. Toutefois, la mention manuscrite sur le plan du cimetière d’après-guerre (voir plus haut) mentionne Bulwell, ville très proche de Nottingham, plus proche de la région du Yorkshire.



……………Stèle T.A. Shaw ……………………Stèle H.E. Gawthorpe……………………. Stèle R.W. Tebb
Commémorations
Des hommages sont rendus régulièrement aux soldats tombés à Blosseville, lors des cérémonies organisées par la mairie et l’association des Anciens Combattants (actuelle Association Blossevillaise Mémorielle), aux anniversaires de l’armistice.
Les habitants rassemblés s’inclinent ainsi devant les stèles des soldats britanniques.
En certaines occasions, des délégations britanniques sont présentes. Nous mentionnons ici la plus ancienne (1946), celle de 1990 et les deux les plus récentes (2023 et 2025).
En juillet 1946, les maires (« Provosts ») de trois villes d’Écosse, Inverness, Elgin et Aberdeen, se rendirent à Saint-Valery-en-Caux et dans les villages environnants, le 7 juillet à Blosseville. Le journal local a relaté ces cérémonies.


Leurs signatures figurent sur le document commémoratif décoré par le peintre veulais Camille Marchand. Réalisé à cette occasion, ce tableau est toujours présent dans le bureau du maire de Blosseville.

Chaque année, les blossevillais rendent hommage aux soldats britanniques. Un exemple en 1990 :

Joseph Leriche (porte-drapeau), Paul Renaux, Jean Callens (maire)
En 2023, la commémoration a remplacé celle du 80e anniversaire qui n’avait pas pu se tenir à cause de l’épidémie de covid. Organisée par la Communauté de Communes de la Côte d’Albâtre et la mairie de Blosseville, elle s’est faite en présence d’une importante délégation anglaise et écossaise. Les soldats français et britanniques ont été honorés. Une exposition sous le préau de l’école a retracé leurs histoires.

Au premier plan à droite : David Barlow,
» Drum Sergeant/Bugler » – Yorkshire Volunteers Corps of Drums

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En 2025, pour le 85e anniversaire des combats de 1940, la commémoration comporte un hommage dans le cimetière puis un défilé vers le Jardin du Val (carrefour du Calvaire). C’est ce lieu qui a été choisi pour accueillir une silhouette en métal figurant un soldat du 2/7th Duke of Wellington (West Riding) Regiment ; celle-ci fait partie d’un parcours de mémoire mis en place par la Communauté de Communes de la Côte d’Albâtre.

Références
- 1La pose de cette plaque a été faite par la municipalité de Blosseville. Cette initiative, menée également dans d’autres communes, fait suite à l’action résolue et persévérante de Mr Hervé Savary pour le souvenir des combats sur le sol normand.
- 2Catherine Tardif » Qui se souvient des soldats de juin 1940? » – l’Echo du Vent – juillet 2013 pp. 5-6
- 3Le Corps Expéditionnaire Britannique (« British Expeditionary Force ») est le nom donné à l’ensemble des forces armées britanniques envoyées à partir de l’automne 1939 à la frontière franco-belge. En mai 1940, elle était composée de 10 divisions d’infanterie (soit plus de 390 000 hommes), une brigade blindée et 500 avions, (source National Army Museum ).
- 4Près de 340000 hommes ont pu être évacués à Dunkerque entre le 26 mai et le 4 juin : environ 200000 britanniques, 120000 français et près de 20000 belges (source https://fr.wikipedia.org/wiki/Évacuation_de_Dunkerque). 20000 soldats alliés furent tués et 40000 faits prisonniers.
- 5Cf. Ouvrage de R.G. Nobécourt – Les soldats de 40 dans la première bataille de Normandie – Editions Bertout 1986 Voir Chapitre IV, p. 185
- 62137 Britanniques et 1184 soldats français ont pu être évacués. Près de 1000 soldats ont été tués, 46000 ont été faits prisonniers (38000 français, 8000 britanniques).
- 7La 51st Highland Division tire son nom des Highlands, région située au nord-ouest de l’Ecosse. La ville principale est Inverness.
- 8Seaforth est une île du Royaume-Uni située en Écosse dans les Hébrides extérieures.
- 9Cameron est le nom d’un clan écossais des Highlands. Selon Wikipedia, un clan est un ensemble de familles associées par une parenté réelle ou fictive, fondée sur l’idée de descendance d’un ancêtre commun.
- 10Le régiment Black Watch (« Garde noire ») est le plus ancien des régiments des Highlands. Il tirerait son nom de « Garde » de son rôle de maintien de l’ordre en Ecosse à sa création au XVIIIe siècle, et celui de « noire » de la couleur sombre de son tartan.
- 11Gordon est le nom d’un clan écossais.
- 12Historiquement la région du Yorkshire a été divisée en 3 « ridings » ,Nord, Est et Ouest. Le terme « riding » viendrait d’un ancien mot viking signifiant « tiers ».
- 13Arthur Wellesley (1769-1852), duc de Wellington, militaire et homme d’état britannique ; il fut le vainqueur de Waterloo.
- 14Marc Tabone – Veules – Juin 1940, Ecossais et Français pris au piège – Comever Rameau Editeur – Nouvelle édition 2015
- 15Article dans Courrier Cauchois 30 Mars 2023.
- 16Le « Manoir » est situé en face du cimetière. Durant la bataille de 1940, des soldats blessés à Blosseville ou ailleurs y furent amenés pour être soignés.
- 17Référence H. Savary 3/07/2023.
- 18De manière tout à fait fortuite, le cimetière de Blosseville recèle donc deux représentations de Saint André situées à moins de 10 mètres mais à plus de 300 ans l’une de l’autre : celle de la tombe du soldat Buick (1951) et celle de la croix Dyel (1626), érigée par André Dyel. Elles sont toutes deux orientées vers l’ouest.
- 19Un « serjeant » (sergent) était un sous-officier à la tête d’une trentaine de soldats.