Ce fragment de la litre seigneuriale (funéraire) se situe dans l’encoignure du mur fermant à l’Ouest la chapelle Nord (chapelle de la Vierge). Un autre fragment est observable sur le mur Nord de cette chapelle à proximité de la statue de St Lézin et un autre sur le mur Sud près de l’entrée.
L’écusson est évocateur des armes de la famille Marye : d’azur, à deux coeurs d’or posés en abîme accompagnée d’une nuée d’or en chef et d’une foi d’or en point posée en fasce »1Magny E de. Nobiliaire de Normandie, tome 2, troisième partie : tablettes généalogiques p 160. Paris, 1864 accessible via Gallica, vue 515/636.. La signification de ces termes héraldiques2Rietstap J.B. (1828-1891). Armorial général précédé d’un diagnostic des termes du blason. Tome 1. Deuxième édition. 1887. peut être résumée : azur = couleur bleue, en gravure des traits horizontaux, abime = au centre (au coeur) de l’écu, chef = partie supérieure de l’écu, foi = deux mains, en point posée en fasce = bande horizontale entre deux parallèles sur toute la largeur de l’écu.
Dergny3Dergny D (1830-1902). Les épaves du passé. Arrondissement d’Yvetot, deuxième partie. 1901. réédition, 1981. Gérard Monfort p. 157/354. affirme « Philippe Marye lors de la mort de son frère Nicolas fit poser la litre » mais sans donner d’où il tenait cette information.
Nicolas Marye décéda le 12 aout 1759 « à l’âge de 74 ans et environ cinq mois » et fut inhumé deux jours plus tard dans l’église St André la ville 4ADSM Rouen, St André de la ville 4 E 1983 (1755-1769), vue 44/150. « sous la tombe de la famille ». Un document source serait nécessaire pour assurer de l’identité de celui qui fut ainsi honoré à Blosseville, Nicolas en 1759 ou Philippe Marye5Inhumation de Philippe Marye le 23 décembre 1772, Eglise St André : ADSM, Rouen 4E 1983 (1770-1781), 27/116. en 1772, chacun étant qualifié sur son acte de décès «..vicomte de Blosseville, seigneur patron et haut justicier du dit lieu…».
Le mot « litre » comme « lice » ou « listel » serait dérivé de lista « bordure, bande », l’anglais « list », l’allemand « leiste » viendraient du même étymon6Rey, A. Dictionnaire Historique de la langue française. 3 Tomes. Ed Le Robert. 5ème édition 2019. . Un autre terme utilisé est celui de ceinture funéraire.
L’ouvrage de Mme De Lavergne7Les litres funéraires en pays de Caux. Revue des sociétés savantes de Haute Normandie, 1962, n°28, 205p. ADSM, RH 18/7. est la référence concernant les litres funéraires du pays de Caux et les lignes suivantes lui sont empruntées. Le droit de litre, à savoir de faire peindre les armes du seigneur après sa mort sur une bande noire disposée autour de l’église faisait partie des droits honorifiques majeurs. En Normandie seuls les patrons (droit de présenter un desservant à l’évêque) réels ou honoraires avaient le droit de litre. La litre funéraire était une bande noire de soixante centimètres de haut sur laquelle était disposées tous les quatre mètres environ les armes du seigneur-patron. Elle était placée tout autour de l’église à l’intérieur et à l’extérieur. En général, les litres étaient peintes à haut moins deux mètres du sol. Ces litres peintes remplacèrent ainsi les premières litres qui étaient en étoffe noire sur lesquelles étaient fixées des écussons sur carton, parchemin ou papier.
En devenant perpétuelles, ces litres donnèrent lieu à des règles, arrêts de loi et tout un lot de contestations et procès lors des successions des patrons de l’église8Houard D. Dictionnaire analytique, historique, étymologique, critique et interprétatif de la Coutume de Normandie. Article Droits Honorifiques. 1770. Tome 2. p 45-47, voir sur Gallica (vue 63-65/567).. A la Révolution, l’interdiction de l’usage des armoiries dans les lieux publics fit donc disparaître un tel droit de litre.
En retirant le badigeon, d’autres parties de cette litre de l’ église de Blosseville apparaîtront et une restauration9L’expertise récente (entreprise Lambert) considère qu’une dizaine de blasons pourrait être mise à jour et que la litre pourrait courir sur une quarantaine de mètres. permettrait de préserver ce témoin de l’histoire du XVIII ème siècle. En compulsant les actes notariés ou les archives familiales, peut être trouverons-nous l’identité du commanditaire pour honorer son parent décédé voire même celle du peintre…
Références
- 1Magny E de. Nobiliaire de Normandie, tome 2, troisième partie : tablettes généalogiques p 160. Paris, 1864 accessible via Gallica, vue 515/636.
- 2Rietstap J.B. (1828-1891). Armorial général précédé d’un diagnostic des termes du blason. Tome 1. Deuxième édition. 1887.
- 3Dergny D (1830-1902). Les épaves du passé. Arrondissement d’Yvetot, deuxième partie. 1901. réédition, 1981. Gérard Monfort p. 157/354.
- 4ADSM Rouen, St André de la ville 4 E 1983 (1755-1769), vue 44/150.
- 5Inhumation de Philippe Marye le 23 décembre 1772, Eglise St André : ADSM, Rouen 4E 1983 (1770-1781), 27/116.
- 6Rey, A. Dictionnaire Historique de la langue française. 3 Tomes. Ed Le Robert. 5ème édition 2019.
- 7Les litres funéraires en pays de Caux. Revue des sociétés savantes de Haute Normandie, 1962, n°28, 205p. ADSM, RH 18/7.
- 8Houard D. Dictionnaire analytique, historique, étymologique, critique et interprétatif de la Coutume de Normandie. Article Droits Honorifiques. 1770. Tome 2. p 45-47, voir sur Gallica (vue 63-65/567).
- 9L’expertise récente (entreprise Lambert) considère qu’une dizaine de blasons pourrait être mise à jour et que la litre pourrait courir sur une quarantaine de mètres.