Blosseville en 1793 : les baux des laboureurs.

A l’été 1793, deux laboureurs1Laboureur est équivalent au mot cultivateur qui commence à être utilisé à cette époque. D’autres laboureurs tenaient des fermes pour Bénigne PORET de Blosseville à la fois à Blosseville et dans d’autres communes. Les deux laboureurs étaient eux-mêmes propriétaires d’autres biens., Guillaume VATTEMENT et Michel Nicolas GIFFARD signèrent chacun un bail2ADSM : 132 J 179. Ces biens sont également dans « l’état des immeubles » du 12 septembre 1796, Bénigne PORET de Blosseville demeurant désormais à Amfreville la Campagne (Eure), ADSM : 132 J 177. pour des fermes situées à Blosseville qui appartenaient au vicomte Bénigne PORET de Blosseville, devenu « le citoyen PORET » ou « le dit Blosseville ».

A partir des manuscrits de ces baux, nous proposons des exemples des charges auxquelles ces laboureurs étaient assujettis. Nous illustrons ainsi quelques aspects de la vie quotidienne dans les fermes à la Révolution. C’est aussi l’occasion d’évoquer un vocabulaire agricole spécifique3Le vocabulaire agricole justifie le recours à des dictionnaires spécialisés. Marcel LACHIVER (1934-2008). Dictionnaire du monde rural : les mots du passé. Fayard. 2006. Paul  FENELON (1902-1993). Vocabulaire de géographie agraire. Imprimerie Louis-Jean. Gap. 1970..

En 1793, le « citoyen » Bénigne PORET de Blosseville (1742-1828) demeurait au Bois Héroult (canton de Buchy). Il était représenté à Blosseville par Jean François GRESSENT (1752 – 1822), « fondé des procurations ». Le propriétaire (bailleur) disposait d’une équipe d’ouvriers qui effectuaient certains travaux sur l’ensemble de ses biens. Des préposés étaient chargés de contrôler et attestaient des actions entreprises par les laboureurs.

Chaque bail était établi « pour le temps et espace de neuf années et neuf dépouilles consécutives »4Dépouilles : archaïsme juridique : récolte. Alain REY. dictionnaire historique de la langue française. T 1. Ed Le Robert. 2019. débutant à la St-Michel. La rédaction du bail commence par la description des différentes pièces constitutives puis détaille l’ensemble des charges. Ces deux fermes étaient importantes, chacune comportant un descriptif de 25 pièces différentes. 

Plan de Blosseville (Nord en haut). 
Situation des anciens bâtiments toujours présents, correspondant à la ferme tenue en 1793 par Guillaume VATTEMENT (pointillés noirs)
 et à celle tenue par Michel Nicolas GIFFARD (pointillés blancs).

Guillaume VATTEMENT (1742-1802) demeurant à Blosseville, signa le 2 août 1793 pour une ferme de 127 acres5Une acre contient 4 vergées, chaque vergée faisant 40 perches carrées. La valeur de l’acre à la fin du XVIII ème siècle dans le bailliage d’Arques était 68,66 ares selon Gérard d’ARANDEL de CONDÉ : les anciennes mesures agraires de Haute Normandie. Annales de Normandie, 18, N°1, 1968 p. 3-60. Blosseville n’est pas mentionnée pour cette valeur de l’acre mais les communes proches telles Veules, Fontaine, la Gaillarde, St P. le vieux… sont citées dans Pierre MARAIS : code des usages locaux pour les arrondissements du Havre et d’Yvetôt. Agriculture. Yvetot, 1874, p. 114., 3 vergées et 4 perches (87,2 hectares) de terrain tant masure, labour, bois, taillis. Le montant du fermage était de 3600 livres en 2 versements, à la St Jean-Baptiste et à Noël. Le descriptif de la première pièce, «une masure6Masure : n.f. le latin tardif atteste de mansura (tenure domaniale, manse, av.750 et demeure, maison bâtiments, vers 950) in A. REY. Ensemble des bâtiments d’une exploitation agricole dans le pays de Caux. Au Moyen Âge, désignait les bâtiments mais également l’ensemble d’une tenure dont l’étendue et la composition correspondaient au travail et aux besoins d’une famille : in Paul FENELON (1902-1993). Vocabulaire de géographie agraire, op. cit., p. 418/688. logée d’une maison, colombier, pressoir, écurie, bergerie, charreterie, granges, four et autres bâtiments, plantée d’arbres fruitiers etc, et sa localisation correspondent aux anciens bâtiments (années 1730-50) situés entre la route de Blosseville à Angiens et la D4 menant de Luneray à St Valéry en Caux (illustration ci-dessous).

Extrait de la première page du bail de Guillaume VATTEMENT,
ADSM 132 J 177.

Michel Nicolas GIFFARD (1726 -1798), qui habitait St Pierre Le Vieux, a signé le 17 juillet 1793 pour une ferme de quatre-vingt acres (55 hectares) tant en masure, labour que jonc marin. Le montant du fermage était de 2400 livres. Le descriptif de la première pièce, « masure logée d’une maison, granges, écurie, bergerie, four, charreterie, poulailler et d’un colombier et autres bâtiments » et sa localisation correspondent aux bâtiments anciens situés entre les actuelles rue de la Forge et rue du Moulin (illustration ci-dessous).

Extrait de la première page du bail de Michel GIFFARD,
ADSM 132 J 177.

Nous avons choisi de reclasser par rubrique des clauses qui dans chacun des deux baux figuraient parfois dans des paragraphes distincts.

Le laboureur devait :

  • Faire de cette ferme sa résidence. 
  • Garder les possessions et au cas où elles seraient attaquées les défendre à ses frais jusqu’à jugement définitif.
  • Faire borner les terres par les préposés du bailleur.
  • Ayant des propriétés dans la même commune ou dans des communes voisines, renoncer de les faire valoir et les louer pour ne cultiver que les terres de la dite ferme à peine de résiliation comme clause expresse du dit bail.
  • Nantir la ferme de meubles et de bestiaux pour la sureté du prix du bail ainsi que pour la culture et son amélioration.
  • Payer tous les ans ses impositions foncières7 L’imposition était appliquée par la municipalité à l’ensemble des biens du propriétaire, le fermier laboureur devait une partie de cette somme qui était proportionnelle au bien qu’il tenait. au bailleur ou au collecteur (percepteur) sans pouvoir demander aucune diminution ni sur le prix ni sur l’imposition.
  • Fournir à boire aux ouvriers qui travailleront aux réparations de la ferme, et apporter tous les matériaux nécessaires au pied de l’ouvrage.
  • Devoir sept journées8Les journées non utilisées ne pouvaient pas lui être réclamées en fin de bail. de harnois pour les travaux des propriétés du dit Blosseville. Ce terme harnois suppose du travail requérant un cheval.

Le laboureur ne pouvait en aucun cas, sauf consentement exprès du bailleur, rétrocéder soit partie ou totalité de la dite ferme à peine de résiliation comme clause expresse du bail.

Toitures et greniers

A l’époque, nombre de bâtiments de ferme étaient couverts en glui.

Blosseville, rue de la Forge. Bâtiment bâti en 1736, sur le site de la ferme tenue en 1793 par M. Giffard.
L’écart entre le bord du pignon et le toit témoigne de l’ancienne couverture en glui.

Le glui, (ou gluy) phonétique [glu] désignait la paille du seigle (du latin glodium), passée à la dreige pour la débarrasser des impuretés : il correspond à l’usage du mot chaume pour la couverture des toitures.

Une dreige à glui [drage à glu],
prêt de l’association « Clos masure racines et avenir de Caux ».

Tous les ans, des toises9Toise s.f. en Normandie, unité de surface de 1,20 m de large et de 2 m de long utilisée pour les couvertures en chaume in LACHIVER Marcel (1934-2008). Dictionnaire du monde rural : les mots du passé. Nouvelle édition 2006. Fayard ,voir p. 1249 et in Lexique Cauchois. Fascicule 5. p. 3. Fédération départementale des foyers ruraux de la Seine Maritime.1985. La quantité est proportionnelle à la taille de la ferme. , au nombre de trente ou quarante selon le bail, de couverture neuve devaient être réalisées d’une épaisseur d’au moins dix pouces (supérieure à 27 cm) aux endroits jugés appropriés par le bailleur ou ses préposés.

Les bottes de gluy étaient de cinq pieds de tour (environ 50 cm de diamètre) et liées à la cheville. Le bail précise « un cent de gluy à raison de dix toisés de couverture 10Ce chiffre est bien supérieur au six gluis par toise de couverture rapportés par la majorité des ouvrages tels ceux de BOUCHARD, LACHIVER et le Lexique Cauchois.».

Le preneur devait fournir le matériel nécessaire au lattage et à la fixation des bottes :  gaulette11Gaulette : n.f. petite gaule,  dans le pays de Caux, baguette disposée en clayonnage entre les colombes. in LARCHIVER, p.660. Il s’agit probablement de l’équivalent du vaulard : s. m., petite perche refendue servant à faire des couvertures en chaume. Petite perche sur laquelle on fixe le chanvre. in LARCHIVER, p. 1297. et torquette 12Torquette ou torchette : petite torche de paille  in Godefroy F. Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes. Paris,Tome VII. 1892. Torquette : s.f., au XVI ème siècle, lien de paille. Dans le pays de Caux, lien de seigle tordu qui permettait d’attacher le chaume sur les vaulards d’une toiture. in LACHIVER p.1254.

Une fois les toises de couverture neuve réalisées, une quittance était remise pour être présentée à la fin du bail.

Si les gluy qu’il était tenu de fournir pour les toises de couverture neuve n’étaient pas requises sur le moment, il devait les fournir, bons loyaux et marchands, à la fin de son bail ou à la fin de chaque année au choix des deux parties. 

Le laboureur devait également :

  • Faîter13Le type de faîtage n’est pas précisé, mais il était traditionnellement en terre plantée d’iris. ce qu’il avait fait couvrir à neuf ainsi que raccommoder les faîtages des autres bâtiments. Si ces faîtages n’étaient pas effectués, le bailleur s’en chargeait aux frais du preneur.
  • Recharger tous les greniers, faire toutes les réparations pour les terrages et sollages. Un grenier dont le sol était en terre était nommé solié ; ce sol était fait de bois ronds tournés dans la paille d’avoine et la glaise formant des fusées placées côte à côte et recouvertes d’argile. Dans le grenier à grains, pour éviter que le grain ne vienne dans le chaume du toit, était dressé un petit parapet en terre à environ 40 cm du bord, nommé sollage.

Arbres fruitiers

Le laboureur devait :

  • Cherfouir14Cherfouir ou cerfoir : Fouir, labourer légèrement une terre in FENELON Paul (1902-1993). Vocabulaire de géographie agraire. Imprimerie Louis-Jean. Gap. 1970, p 137 et 160/688. les arbres fruitiers trois fois au cours du bail et les engraisser soit en y mettant du jonc marin15Jonc marin. A cette époque, sur le territoire de la commune, 15 ares étaient occupés par le jonc marin qui servait également de plante fourragère. Document comptable, ADSM 1QP1489. ou des pésachis16Pésachis : nom sous lequel on désigne les semailles et les récoltes de pois, vesce et lentilles in l’abbé Jean-Eugène DECORDE. Dictionnaire du pays de Bray. Paris. 1852. p. 108/140.,de trois en trois ans.
  • Mettre une bonne ente17Une ente est une jeune branche, scion qu’on prend sur un arbre pour le greffer sur un autre. ente = arbre greffé du latin « imputare » (par réduction de la syllabe centrale), greffer, du bas latin « impotus = greffe »  in Alain REY. greffée d’une valeur d’au moins quarante sols à la place des arbres fruitiers tombés par vétusté ou impétuosité du vent. Les armer de pierres, et les motter en les plantant et les entretenir. Planter n’était autorisé qu’après l’agrément du bailleur ou ses préposés. Une fois effectué, une quittance était délivrée à présenter en fin de bail.
  • Si ces entes venaient à mourir, les remplacer et en fournir de nouvelles de la même valeur. 
  • Entretenir les autres entes plantées, qui si elles périssaient à cause des épineux ou des bestiaux devaient être remplacées à ses frais. 

Le laboureur avait le profit les pommes tombées par vétusté ou impétuosité des vents. Cependant il ne pouvait les enlever qu’après le constat établi par un préposé et permission écrite, laquelle devait être présentée lors de la quittance générale. 

Il ne pouvait élaguer, cueillir pommier et poirier sans permission.

Coupe du bois

Le laboureur gardait pour son usage les ébranchages des arbres haute futaie situés sur les fossés bordant les masures. Leur bornage au moment du bail ne permettait pas d’ en espérer d’autres

Ces ébranchages n’étaient possibles qu’une seule fois pendant la durée du bail. Il était cependant convenu que cette coupe pouvait se réaliser en plusieurs périodes : une partie des arbres pouvait être coupée tous les ans ou deux ans, mais pas plus d’une fois pour un arbre donné pendant le dit bail. 

Il devait prendre soin de ne point « déshonorer les arbres » ni de les ébrancher trop haut et être garant des bois taillis18Bois taillis. A cette époque, sur le territoire de la commune, 23 acres étaient occupées par du bois taillis. Document comptable, ADSM 1QP1489..

Il avait la coupe des bois taillis une fois pendant la durée du bail, devant laisser les baliveaux selon la loi.

Il était convenu qu’il se serve des ouvriers du bailleur pour l’ébranchage.

En revanche, le bailleur avait le droit de défaire des alignements comme il le souhaitait et se réservait les coupeaux des arbres qu’il lui plaisait de faire abattre.

Cultures

Productions propres à la nourriture de l’homme  dans le district de Cany (acres et perchées).
 Montage à partir du tableau estimatif des acres de terres ensemencées en grains, légumes, fourrages et autres productions, en exécution de l’arrêté du représentant du peuple SIBLOT du 29 prairial an 2, à la date du 22 Fructidor (8 septembre 1794). ADSM L 400.

Le laboureur devait labourer, fumer, cultiver et ensemencer les terres par tous soles et saisons convenables comme les terres voisines sans les déssoller ni désaisonner19Une sole est une pièce de terre soumise à l’assolement. Dessaisonner ou désaisonner : au XVIII ème siècle, mettre deux blés d’hiver de suite sur une même pièce de terre, au lieu d’un blé d’hiver et d’un blé de printemps, ce qui surcharge la terre et l’épuise, même si la troisième année est bien en jachère. Déssoller : changer l’ordre des soles d’une terre labourable. in LACHIVER p 472.

Il ne pouvait cultiver plus de colza, rabette20La rabette est une variété de choux rave cultivée comme plante fourragère et dont les graines oléagineuses ont été prisées notamment pour faire de l’huile d’éclairage. Elle a été supplantée par le colza au meilleur rendement. Dans l’enquête de 1794, sur l’ensemble de la Seine Inférieure, la rabette occupait 1174 acres contre 1931 acres pour le colza, in Charles DE BEAUREPAIRE (1828-1908) : Renseignements statistiques sur l’état de l’agriculture vers 1789.  Rouen. Imp Cagniard. 1889, p. 59/113., lin et trèfle que la loi ne le permettait.

Il ne pouvait retirer aucun fourrage ni vendre ni fourrage ni gluy ni en employer sur son bien (autre propriété du laboureur) sans la permission écrite du bailleur.

Il devait fournir tous les ans une mine d’avoine et un demi-cent21mine d’avoine : 1, 752 hectolitre in P. PERIAUX ; Manuel Métrique. 2 ème Ed. Rouen 1810. p. 248, Table 98. demi-cent : pour les pois et les vesces, la référence était un cent de bottes qui par exemple à l’abbaye de Fécamp pesait entre 340 à 390 kg in Gérard D’ARANDEL DE CONDE. Les anciennes mesures de capacité pour les grains en Seine-Maritime au xviii ème siècle. Revue d’histoire économique et sociale, vol 48, N°3, 1970, 305-352. cf p.336. 22 de pois, vesceLa vesce est une légumineuse grimpante. Le texte du bail évoque sa graine. in Henri LECOCQ. Traité des plantes fourragères. Paris. H. Cousin Ed. 1844. p. 455-467.ou trèfle, sainfoinLe sainfoin est une légumineuse qui préfère les sols calcaires et séchants in Henri LECOCQ, p.485-494.23

 Un carcan à cochon (plus étroit que celui dévolu aux vaches),
prêt de l’Association « Clos masure, racines et avenir de Caux ».


Il devait fournir, tous les ans après août, six douzaines de pigeons, douze chapons gras et six canards à faire parvenir au domicile du bailleur.

Blosseville, deux colombiers construits vers 1750.
A gauche, route d’Angiens (tenu par G. Vattement en 1793), à droite, rue de la Forge (tenu par M. Giffard en 1793).

Travaux divers

Le laboureur devait :

  • Entretenir la maçonnerie de tous les bâtiments, des mangeoires et râteliers, écuries, bergeries et fournir les matériaux nécessaires.
  • Entretenir les piliers ainsi que les barrières et autres fermetures de la masure et des herbages et fournir les bois nécessaires pour ces réparations.
  • Réparer le colombier, pressoir et four ainsi que les cuves et vesselles Vesselle s’est employé pour désigner un tonneau, fin XV ème, in Alain REY.25.
  • Tous les ans motter et extirper les ronces et les épineux et tout ce qui risquait de détériorer la ferme.
  • Faire relever et refossoyer les fossés en se servant des ouvriers dudit bailleur et de ses journées dues.
  • Apporter entre six et dix mille de caillou de Veules en cas de besoin.
  • Entretenir les rues et chemins de manière « que le bailleur ne soit nullement inquiété ».


Fin du bail

A la fin du bail, le laboureur devait :

  • laisser le tiers des terres en compotCompot n.m. Culture considérée dans l’ordre des assolements. Un compot à blé est une pièce de terre qui doit être semée en blé. A ne pas confondre avec compost (engrais). in Pascal BOUCHARD. Nouveau dictionnaire cauchois. Imprimerie Bertout. 1979. p. 38.26 propre à faire le bled (blé), les deux tiers des terres en compot dégagé, labourées de deux labours et hersées avant la St Jean-Baptiste suivant l’usage du lieu.
  • livrer le jour du départ, cinq milleCe chiffre de 5000 dans le bail Giffard est bien plus élevé que les 2400 dans le bail Vattement.27 bottes de gerbées pliées ou en gluy, pesant chacune dix-huit à vingt livres, lesquelles devant être de la dernière récolte, et avoir été tenues à couvert de manière à ne pas avoir été endommagées par la pluie ou l’humidité. Si elles étaient endommagées, elles devaient être remplacées.
Une fois le bail expiré, il ne devait pas emporter le surplus de gerbées et fourrages des années précédentes qui devait être consommé sur place. Pour l’exécution de cette clause, un double procès-verbal était signé avant d’engranger la dernière récolte afin de constater s’il restait ou non des fourrages des années précédentes. Si tel était le cas, il devait les laisser dans la ferme, sachant qu’il lui était interdit d’augmenter son nombre de bestiaux la dernière année du bail.

Signature le 17 juillet 1793 de haut en bas, Michel Giffard, Jean-François Gressent, Bénigne Poret. 
Au dessous Adrien GIFFARD, cultivateur en la commune de Blosseville atteste d’un paiement de 542 livres en numéraire métallique le seize floréal an 7 de la République (5 mai 1799). Il s’agit de Michel Adrien Giffard, né en 1761, qui a pris la suite à la mort de son père en 1798. 
Remerciements pour leurs commentaires et suggestions à Patrick Monville, Laurent Liot, Catherine Tardif.



Références

  • 1
    Laboureur est équivalent au mot cultivateur qui commence à être utilisé à cette époque. D’autres laboureurs tenaient des fermes pour Bénigne PORET de Blosseville à la fois à Blosseville et dans d’autres communes. Les deux laboureurs étaient eux-mêmes propriétaires d’autres biens.
  • 2
    ADSM : 132 J 179. Ces biens sont également dans « l’état des immeubles » du 12 septembre 1796, Bénigne PORET de Blosseville demeurant désormais à Amfreville la Campagne (Eure), ADSM : 132 J 177.
  • 3
    Le vocabulaire agricole justifie le recours à des dictionnaires spécialisés. Marcel LACHIVER (1934-2008). Dictionnaire du monde rural : les mots du passé. Fayard. 2006. Paul  FENELON (1902-1993). Vocabulaire de géographie agraire. Imprimerie Louis-Jean. Gap. 1970.
  • 4
    Dépouilles : archaïsme juridique : récolte. Alain REY. dictionnaire historique de la langue française. T 1. Ed Le Robert. 2019.
  • 5
    Une acre contient 4 vergées, chaque vergée faisant 40 perches carrées. La valeur de l’acre à la fin du XVIII ème siècle dans le bailliage d’Arques était 68,66 ares selon Gérard d’ARANDEL de CONDÉ : les anciennes mesures agraires de Haute Normandie. Annales de Normandie, 18, N°1, 1968 p. 3-60. Blosseville n’est pas mentionnée pour cette valeur de l’acre mais les communes proches telles Veules, Fontaine, la Gaillarde, St P. le vieux… sont citées dans Pierre MARAIS : code des usages locaux pour les arrondissements du Havre et d’Yvetôt. Agriculture. Yvetot, 1874, p. 114.
  • 6
    Masure : n.f. le latin tardif atteste de mansura (tenure domaniale, manse, av.750 et demeure, maison bâtiments, vers 950) in A. REY. Ensemble des bâtiments d’une exploitation agricole dans le pays de Caux. Au Moyen Âge, désignait les bâtiments mais également l’ensemble d’une tenure dont l’étendue et la composition correspondaient au travail et aux besoins d’une famille : in Paul FENELON (1902-1993). Vocabulaire de géographie agraire, op. cit., p. 418/688.
  • 7
     L’imposition était appliquée par la municipalité à l’ensemble des biens du propriétaire, le fermier laboureur devait une partie de cette somme qui était proportionnelle au bien qu’il tenait.
  • 8
    Les journées non utilisées ne pouvaient pas lui être réclamées en fin de bail.
  • 9
    Toise s.f. en Normandie, unité de surface de 1,20 m de large et de 2 m de long utilisée pour les couvertures en chaume in LACHIVER Marcel (1934-2008). Dictionnaire du monde rural : les mots du passé. Nouvelle édition 2006. Fayard ,voir p. 1249 et in Lexique Cauchois. Fascicule 5. p. 3. Fédération départementale des foyers ruraux de la Seine Maritime.1985. La quantité est proportionnelle à la taille de la ferme.
  • 10
    Ce chiffre est bien supérieur au six gluis par toise de couverture rapportés par la majorité des ouvrages tels ceux de BOUCHARD, LACHIVER et le Lexique Cauchois.
  • 11
    Gaulette : n.f. petite gaule,  dans le pays de Caux, baguette disposée en clayonnage entre les colombes. in LARCHIVER, p.660. Il s’agit probablement de l’équivalent du vaulard : s. m., petite perche refendue servant à faire des couvertures en chaume. Petite perche sur laquelle on fixe le chanvre. in LARCHIVER, p. 1297.
  • 12
    Torquette ou torchette : petite torche de paille  in Godefroy F. Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes. Paris,Tome VII. 1892. Torquette : s.f., au XVI ème siècle, lien de paille. Dans le pays de Caux, lien de seigle tordu qui permettait d’attacher le chaume sur les vaulards d’une toiture. in LACHIVER p.1254.
  • 13
    Le type de faîtage n’est pas précisé, mais il était traditionnellement en terre plantée d’iris.
  • 14
    Cherfouir ou cerfoir : Fouir, labourer légèrement une terre in FENELON Paul (1902-1993). Vocabulaire de géographie agraire. Imprimerie Louis-Jean. Gap. 1970, p 137 et 160/688.
  • 15
    Jonc marin. A cette époque, sur le territoire de la commune, 15 ares étaient occupés par le jonc marin qui servait également de plante fourragère. Document comptable, ADSM 1QP1489.
  • 16
    Pésachis : nom sous lequel on désigne les semailles et les récoltes de pois, vesce et lentilles in l’abbé Jean-Eugène DECORDE. Dictionnaire du pays de Bray. Paris. 1852. p. 108/140.
  • 17
    Une ente est une jeune branche, scion qu’on prend sur un arbre pour le greffer sur un autre. ente = arbre greffé du latin « imputare » (par réduction de la syllabe centrale), greffer, du bas latin « impotus = greffe »  in Alain REY.
  • 18
    Bois taillis. A cette époque, sur le territoire de la commune, 23 acres étaient occupées par du bois taillis. Document comptable, ADSM 1QP1489.
  • 19
    Une sole est une pièce de terre soumise à l’assolement. Dessaisonner ou désaisonner : au XVIII ème siècle, mettre deux blés d’hiver de suite sur une même pièce de terre, au lieu d’un blé d’hiver et d’un blé de printemps, ce qui surcharge la terre et l’épuise, même si la troisième année est bien en jachère. Déssoller : changer l’ordre des soles d’une terre labourable. in LACHIVER p 472.
  • 20
    La rabette est une variété de choux rave cultivée comme plante fourragère et dont les graines oléagineuses ont été prisées notamment pour faire de l’huile d’éclairage. Elle a été supplantée par le colza au meilleur rendement. Dans l’enquête de 1794, sur l’ensemble de la Seine Inférieure, la rabette occupait 1174 acres contre 1931 acres pour le colza, in Charles DE BEAUREPAIRE (1828-1908) : Renseignements statistiques sur l’état de l’agriculture vers 1789.  Rouen. Imp Cagniard. 1889, p. 59/113.
  • 21
    mine d’avoine : 1, 752 hectolitre in P. PERIAUX ; Manuel Métrique. 2 ème Ed. Rouen 1810. p. 248, Table 98. demi-cent : pour les pois et les vesces, la référence était un cent de bottes qui par exemple à l’abbaye de Fécamp pesait entre 340 à 390 kg 
  • 22
    de pois, vesceLa vesce est une légumineuse grimpante. Le texte du bail évoque sa graine. in Henri LECOCQ. Traité des plantes fourragères. Paris. H. Cousin Ed. 1844. p. 455-467.
  • 23


  • 24
    afin que ni les plants ni les haies de la pépinière ne soient pas endommagés.

     Un carcan à cochon (plus étroit que celui dévolu aux vaches),
    prêt de l’Association « Clos masure, racines et avenir de Caux ».


    Il devait fournir, tous les ans après août, six douzaines de pigeons, douze chapons gras et six canards à faire parvenir au domicile du bailleur.

    Blosseville, deux colombiers construits vers 1750.
    A gauche, route d’Angiens (tenu par G. Vattement en 1793), à droite, rue de la Forge (tenu par M. Giffard en 1793).

    Travaux divers

    Le laboureur devait :

    • Entretenir la maçonnerie de tous les bâtiments, des mangeoires et râteliers, écuries, bergeries et fournir les matériaux nécessaires.
    • Entretenir les piliers ainsi que les barrières et autres fermetures de la masure et des herbages et fournir les bois nécessaires pour ces réparations.
    • Réparer le colombier, pressoir et four ainsi que les cuves et vesselles
  • 25
    .
  • Tous les ans motter et extirper les ronces et les épineux et tout ce qui risquait de détériorer la ferme.
  • Faire relever et refossoyer les fossés en se servant des ouvriers dudit bailleur et de ses journées dues.
  • Apporter entre six et dix mille de caillou de Veules en cas de besoin.
  • Entretenir les rues et chemins de manière « que le bailleur ne soit nullement inquiété ».


Fin du bail

A la fin du bail, le laboureur devait :

  • laisser le tiers des terres en compot
  • 26
    propre à faire le bled (blé), les deux tiers des terres en compot dégagé, labourées de deux labours et hersées avant la St Jean-Baptiste suivant l’usage du lieu.
  • livrer le jour du départ, cinq mille
  • 27
    bottes de gerbées pliées ou en gluy, pesant chacune dix-huit à vingt livres, lesquelles devant être de la dernière récolte, et avoir été tenues à couvert de manière à ne pas avoir été endommagées par la pluie ou l’humidité. Si elles étaient endommagées, elles devaient être remplacées.
  • Une fois le bail expiré, il ne devait pas emporter le surplus de gerbées et fourrages des années précédentes qui devait être consommé sur place. Pour l’exécution de cette clause, un double procès-verbal était signé avant d’engranger la dernière récolte afin de constater s’il restait ou non des fourrages des années précédentes. Si tel était le cas, il devait les laisser dans la ferme, sachant qu’il lui était interdit d’augmenter son nombre de bestiaux la dernière année du bail.

    Signature le 17 juillet 1793 de haut en bas, Michel Giffard, Jean-François Gressent, Bénigne Poret. 
    Au dessous Adrien GIFFARD, cultivateur en la commune de Blosseville atteste d’un paiement de 542 livres en numéraire métallique le seize floréal an 7 de la République (5 mai 1799). Il s’agit de Michel Adrien Giffard, né en 1761, qui a pris la suite à la mort de son père en 1798. 
    Remerciements pour leurs commentaires et suggestions à Patrick Monville, Laurent Liot, Catherine Tardif.



    Laisser un commentaire