Les anciens cafés de Blosseville-sur-Mer

Arpentant les rues de Blosseville sur Mer, le promeneur d’aujourd’hui peine à imaginer qu’il y a un siècle, il aurait eu le choix pour se désaltérer entre les cinq ou six débits de boisson du village. Et, dans le cours du XIX ème siècle, quand Blosseville-sur-Mer comptait plus de 900 habitants, les cafés ou buvettes étaient probablement encore plus nombreux. 

Cafés Emplacement

Sauf pour les années les plus récentes (entre-deux guerres), pour lesquelles les témoignages des plus anciens ont pu nous être transmis, nos sources d’information sont les autorisations administratives détenues à la mairie de Blosseville (depuis 1893) et les cartes postales éditées par les cafetiers (à partir de 1904).

Les cafés étaient situés à 3 endroits à Blosseville (voir plan):

  • 3 au carrefour central du village (aujourd’hui Place de l’Eglise)
  • 2 au carrefour du Calvaire
  • 1 sur l’actuelle route de la Forge (en face de la ferme Callens)

Nous connaissons l’historique des exploitants de chacun de ces débits de boissons (quelquefois également épiceries) depuis la fin du XIX ème siècle.

Les cafés de la place de l’Eglise

Café n°1 Ce café, le plus proche de la mairie, était tenu au moins depuis 1868 par Prétextat Hinfray, gendre d’un cafetier du Bourg-Dun. Après sa faillite en 1895, l’exploitation fut reprise par Joseph Marc, oncle du futur maréchal-ferrant, puis par sa veuve, Anne Pulchérie Ridel. En 1904, celle-ci se remaria avec Eugène Masurier qui baptisa l’établissement « Café des Voyageurs » et édita de nombreuses cartes postales. Le café changea ensuite plusieurs fois de mains, fut rebaptisé un moment « Café de la Mairie » (1922), avant qu’en 1937 le fonds soit fusionné avec le café voisin. 

Café n°2 Café ouvert au moins depuis 1893, sous le nom de « Café du Commerce », il fut tenu à partir de 1900 par Léon Dufour, auparavant tailleur d’habits, qui fut grand éditeur de cartes postales également. Celui-ci céda le fonds en 1914 à Adolphe Renout, qui mobilisé, ne put probablement pas l’exploiter lui-même. En 1920, c’est Victor Gauberti, époux de l’institutrice, qui reprit l’établissement, le baptisa « Au Petit Repos » et en fit une halte prisée des promeneurs venant de Veules. Fusionné en 1937 avec le fonds voisin par Charles Dranguet, il demeurera le dernier café-épicerie ouvert à Blosseville, géré par Madame Halbard puis par sa fille Mme Tillaux jusque dans les années 90.

Café n°3 De l’autre côté de la route de Veules, le « Café de la Place » a également été créé dans la deuxième moitié du XIX ème siècle, par Lambert Belsout. Il a connu ensuite plusieurs tenanciers, mais son exploitation par Joseph Bailleul puis François Cléret s’est terminée dès les années 20.

Les cafés du Calvaire

Café n°4 Un café fut créé dans l’actuelle rue du Calvaire par Edouard Dufour puis tenu très longtemps par sa veuve. En 1913, Maurice Ciroux, originaire de la région parisienne, qui avait épousé la fille d’un charron de Blosseville, Georgette Romain, reprit le café. Mais, mobilisé, il fut tué durant les combats de la Marne en 1916. Après avoir repris les rênes de l’établissement, Georgette se remaria en 1919 avec Georges Guerville.

Café n°5 Georges Guerville, jusqu’alors charcutier itinérant, a acheté le café situé au coin de la route du Calvaire et de l’actuelle rue du Bout des Marettes, ouvert en 1900 par Jules Anquetil, poissonnier. Georges Guerville et sa femme fusionnèrent les deux cafés en 1921 en ce seul endroit. Grand animateur du village, Georges Guerville développa ce café-épicerie et lui adjoignit au début des années 30 une salle de danse qui connut un grand succès, avec bal tous les dimanches. Après-guerre le café fut repris par Maurice Hauduc puis son fils Raymond et la salle de bal fut utilisée jusque dans les années 60 ; le café fut ensuite repris par Mr et Mme Plessis avant de fermer au début des années 70.

Cafés du calvaire
Les maisons ayant abrité 2 anciens cafés près de la place du Calvaire. A droite Café n°4 fermé en 1921- A gauche Café n°5 fermé vers 1970. Derrière , la salle de bal…
Peinture d’Y. Ramogé d’après Camille Marchand.
Café Guerville Romain
Enseigne du Café du Calvaire – L’union de Georges Guerville et Georgette Romain a conduit à la fusion de deux cafés en un seul.

Le café des Ouvriers route de la Forge

Café n°6 A cet emplacement un café fut créé dès 1890 par Ernest Paul Cléret, et, à l’exception d’une courte période de 4 ans à la fin des années 20, resta tenu par sa famille durant près de 50 ans : d’abord par sa veuve puis par leur gendre Georges Chouquet, menuisier, en 1925, puis leur fils Raymond Cléret. En 1941, le fonds fut cédé à Andrée Guerville, la fille de Georges, puis ce fut peu après la fermeture, que nous ne savons pas dater précisément. 

Nous comptons donc 6 cafés jusque dans les années 20, 4 ensuite pratiquement jusqu’à la 2e guerre, 2 après-guerre, et plus aucun depuis les années 1990. Voilà qui, à coup sûr, a modifié l’apparence de Blosseville.

Quelques éléments généraux tirés des recherches sur les anciens cafés de Blosseville

Nous soulignons ici quelques éléments généraux sur les cafés et cafetiers de Blosseville, en les illustrant de quelques exemples :

  • Les tenanciers des cafés ont souvent été des hommes ayant au départ un autre métier, (cultivateur, journalier, carrier, tailleur d’habits, …) qui ont pris l’exploitation d’un débit, aidés par leurs épouses.

Ex : Café n°1 1896 Joseph Marc cultivateur, Café n° 2 1899 Léon Dufour tailleur d’habits,  Café n°3 1903 Joseph Bailleul carrier,

  • Dans plusieurs cas, le mari étant décédé, c’est la veuve qui a repris l’affaire, quelquefois longtemps, soit seule, soit avec son nouvel époux quand elle s’était remariée.

Ex : Café n°1 Anne Pulchérie Ridel veuve de Joseph Marc en 1900 tient le café seule puis se remarie en 1904 avec Eugène Masurier ; ils tiennent le café jusqu’en 1911

 Café n°6 Marie Louise Mignot veuve blossevillaise d’Ernest Paul Ridel en 1910 reste seule aux commandes du café jusqu’à son décès en 1925

  • La guerre de 1914 a mis fin à certaines vocations, soit par la mobilisation, soit plus tragiquement par le décès du tenancier au combat.

Ex : Café n°2 En mars 1914 Adolphe Renout prend le fonds et le cède en 1920, probablement sans avoir pu le tenir

Café n°4 Maurice Ciroux qui a pris le café en décembre 1913 meurt à la bataille de la Marne en 1916

  • Les lois économiques de la concentration se sont appliquées aux cafés blossevillais ; 6 jusque dans les années 1920, 4 jusqu’à la 2e guerre, 2 après, plus aucun aujourd’hui.

Ex : Café n°1 En 1937 le fonds est repris et supprimé par Charles Dranguet, établi depuis 2 ans au café n°2 

Café n°5 En 1921 Georges Guerville translate ce café de 20m dans une maison qu’il vient d’acheter (café n°4)

  • Certains des cafés, mais pas tous avaient une raison commerciale autre que le nom du débitant.

Ex : Café n°1 1904 Café des Voyageurs 1922 Café de la Mairie 37, Café n°2 Avant 1900 Café du Commerce 1920 Au Petit Repos, Café n°3 Café de la Place, Café n°6 Café des Ouvriers

  • Le café n°5 sous l’impulsion de Géo Guerville puis de ses successeurs a été un lieu d’animation très important pour le village, grâce à la création d’une salle de bal, utilisée aussi comme salle des fêtes municipale.
  • Au début du XX ème siècle :
    • certains débitants ont été des éditeurs de cartes postales afin de faire valoir leur établissement mais ont aussi à transmettre la connaissance du village
    • les publicités murales ont commencé à orner les murs de certains cafés  

Ex : Café n°1 Chocolat Menier Café n°2 Byrrh, Dubonnet Café n°3 Boisson Kola Coca de Genty

Cafés devant l'église
Café des Voyageurs (n°1) Café Dufour (n°2)
Café Publicité
Café Bailleul (n°3)

Voilà pour un aperçu de l’histoire des cafés blossevillais, restent à trouver des témoignages ou des photos des ambiances intérieures…

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